jeudi 12 septembre 2013

II- Trouver un coupable / a) La religion musulmane au centre du débat

Dès le deuxième jour dans le New York Times, l’explication détaillée de l’événement voit le jour. (Contributions d’experts, éditoriaux plus fournis, articles de fond sur les conséquences des attentats, etc.)

D’abord quelque chose arrive, éclate, déchire un ordre déjà établi ; puis une impérieuse demande de sens se fait entendre, comme une exigence de mise en scène (…) 35)

Les précédents conflits entre les populations musulmanes et les Etats-Unis durant les années précédent le 11 Septembre ont souvent donné lieu à des interprétations fondées sur des « assomptions et inexactitudes » (assumptions and innacuracies) 36) Selon Edward Said, professeur à l’université de Columbia à New York, les médias américains ont « analysé caractérisé, donné des cours [sur l’islam], basés sur des faits loins d’être objectifs » 37)
La nation endeuillée, toutes les valeurs américaines remises en questions, les médias se doivent d’accuser, de pointer du doigt le responsable de cette catastrophe occidentale. Qui mieux que les musulmans auraient pu servir de bouc émissaire ? L’ "anti-Muslim fervor", comme le journaliste Jodi Wilgoren l’a nommée, peut commencer. Avant même qu’une investigation ait été lancée concernant le 11 Septembre, les medias audiovisuels, la presse aussi ont largement supposé que les responsables de ces attaques n’étaient autres qu’un groupe musulman fondamentaliste.
Bien que les médias aient eu raison dans leurs hypothèses, il est légitime de se demander, comment, après ces attaques, a été présentée la population musulmane dans le New York Times plus particulièrement.
En France l’ennemi est présenté sous les traits inquiétants des “nouveaux barbares” dont la violence irrationnelle effraye: « Il s’agit évidemment d’une logique barbare, d’un nouveau nihilisme ». 38) Au New York Times, la recherche du coupable devient une mission prioritaire, et les journalistes du Times semblent impatients de retrouver le commanditaire des attaques et de les voir punis.

Je n’ai absolument aucun doute que l’équipe Bush fera payer cher aux auteurs lorsqu’elle les aura identifiés. 39)

Dès le 12 Septembre 2001, la responsabilité se reporte au plus vite sur Oussama Ben Laden malgré le déni des Talibans.

Lors d’une série de déclarations jeudi soir, cette nation dirigée par des talibans et abritant le suspect Oussama ben Laden, condamne les attaques sur les Etats unis et déclare que son célèbre invite n’est pas impliqué.  40)

Ainsi l’assimilation terroriste/musulman est rapidement effectuée par les mass médias américains.
En comparaison, une nette amélioration depuis la deuxième guerre mondiale et le racisme anti-japonais qui s’y manifesta est constatée. Une pointe de subjectivité reste, mais l’hystérie anti-japonaise appartient au passé 41). En 1943, les Japonais Américains de la côte Ouest furent placés dans des camps à travers le pays, la majorité des Américains craignant que ces Japonais ne montrent plus de loyauté envers leur pays d’origine qu’envers les Etats-Unis. C’étaient bien les médias qui furent responsables de ce sentiment envers les Japonais américains, en les attaquant dans plusieurs articles, tout comme le Général J.L DeWitt de l’armée américaine les qualifiant de « groupe non assimilé, très soudé entre eux, lié à une nation ennemie aux loyautés inconnues » 42) Au moment où la coalition envahissait l’Irak, l’historien Arthur Schlesinger analyse la stratégie du président Bush, la comparant à celle de Roosevelt lors de Pearl Harbor :

[…] terriblement proche de la politique menée par le Japon impérial au moment de Pearl Harbor. Un jour qui, comme l’avait annoncé à l’époque un autre président américain, était resté "à jamais marqué du sceau d’infamie" 43)

La couverture de l’après 11 septembre a consacré son attention à exposer la menace d’Oussama ben Laden et des forces d’Al Qaida. Selon une étude du Département d’Etat en Avril 2002, «  les incidents tels que le harcèlement verbal, les agressions physiques, et les regards menacants, ont triplé après le 11 Septembre » : 44)

Environ 75% des américains musulmans connaissent quelqu’un qui a connu la discrimination ou ont eux même été victimes d’actes racistes, de harcèlement, d’abus verbal, ou d’attaques physiques depuis le 11 Septembre. Le sondage des musulmans américains effectué par le Collège Hamilton et Zogby International, démontre que Presque un tiers des musulmans pensent que les interrogatoires et les arrestations de musulmans par le FBI aux Etats-Unis après le 11 Septembre, sont des abus injustifiés des libertés civiles45)

En 1998, MacDonald et Petherman affirmaient déjà:

Inexactitude, mensonges, déformation, préjugé, propagande, sensationnalisme, banalisation, faute de goût, vulgarité, sexisme, racisme, bavure, atteinte à la vie privée, sont tant de façons dont les journalistes se servent pour offenser les membres de la société sans rompre aucune norme médiatique 46).

La même année, Greta D.Little remarque la tendance des médias à accuser les musulmans d’actes terroristes. Les attentats de 1995 à Oklahoma City en sont un exemple frappant.

La première hypothèse était que les responsables étaient les terroristes arabes. Même lorsqu’il était devenu clair que les terroristes étaient nés aux Etats-Unis, la suspicion n’était pas dissipée 47)


L’analyse des gros titres du New York Times de Septembre 2001 à Juin 2002 souligne la perception que le journal a de l’Islam et du terrorisme.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire