jeudi 12 septembre 2013

Conclusion

Le 11 septembre, et la lutte anti-terrorisme qui a suivi, auront sans conteste révélé un potentiel de communication publique jamais égalé, avec les effets d’entraînement et d’amplification des choix éditoriaux des médias américains sur ceux du monde entier.
Si, dans leur ensemble, et le New York Times en tête, ceux-ci ont accepté de se laisser « embarquer » sans trop résister à l’argumentation justificatrice martelée par le Président des Etats-Unis, ils ont progressivement retrouvé leur esprit critique après la fin « officielle » de cette guerre.
Cela, pour une cause majeure: l’effondrement progressif du leitmotiv argumentatif des « armes de destruction massive », et le cadre des manipulations à la source du processus de l’information. Les révélations progressives se sont avérées relever du leurre et du mensonge. Pourtant, face aux doutes et incertitudes, leur utilité première aura été de faire accepter l’intervention militaire non seulement auprès des populations des Etats-Unis, mais du monde entier, par le biais de l’Organisation des Nations Unies, puis sans son intermédiaire.
Pour les observateurs des pratiques médiatiques et journalistiques, la couverture du sujet de la « guerre annoncée », puis de la « guerre effective », par les médias américains dominants, a mis en cause un modèle de journalisme et non des moindres. Il s’agit bien de celui à partir duquel, du côté européen de l’Atlantique, se sont construits les critères de la presse moderne et du « journalisme professionnel » dès le XIXe siècle.
Et pour cause, il s’agissait de prendre acte de la manière dont les Etats- Unis, pays démocratique de référence, ont mis en oeuvre la liberté de la presse depuis la proclamation de sa Constitution en 1787 et son premier amendement de 1791 stipulant que « le Congrès ne fera pas de loi [...] restreignant la liberté de parole ou de presse ». 185)
Nous savons très bien que, ni d’un côté ou de l’autre de l’océan, la presse des pays démocratiques a été parfaite en toute circonstance et qu’elle a aussi failli à sa mission dans bien des cas, y compris dans la période moderne précédent la présente « crise » autour de « la guerre en Iraq ».
Souvenons nous, exemples parmi beaucoup d’autres, du « faux charnier de Timisoara » de décembre 1989, le mensonge de l’Etat français à propos de l’attentat destructeur du navire de Greenpeace, le Rainbow Warrior en 1985, la publication en 1983 des « faux carnets d’Hitler » par le Stern de Hambourg et repris mondialement par des news magazines, ou, encore plus loin de nous, le fameux « faux bordereau » qui a conduit à la condamnation du capitaine Alfred Dreyfus en 1894 et à l’affaire politique et judiciaire qui a suivi pendant dix ans avec un déferlement de haine jamais égalé depuis dans la presse française.
Les Etats-Unis n’ont pas été en reste non plus. Ne serait-ce qu’avec l’attaque du cuirassé américain le Maine, coulé par une mine dans la rade de La Havane en 1898, à l’origine de la guerre contre l’Espagne 186) le prétexte avait obtenu le soutien de Joseph Pulitzer et de William Randolph Hearst, patrons respectifs du New York World et du New York Journal, titres populaires en guerre ouverte, ou encore avec la « fausse attaque » par des torpilles nord-vietnamiennes de deux destroyers américains dans la baie du Tonkin en 1964, argument utilisé par le président Lyndon B. Johnson pour déployer les renforts terrestres au Vietnam, etc… 187)
Les cas de« faux », qui trouvent particulièrement leur place dans les situations de crises ou de conflits internationaux majeurs, n’ont guère joué leur fonction de mémoire et de prévention face aux « vérités toutes faites ». Le Washington Post, il semblerait, a oublié tout ce qu’il doit en notoriété en matière de professionnalisme à l’« affaire du Watergate » et aux dénégations du président Richard Nixon, de son entourage et du Parti républicain, face à l’enquête menée par deux de ses journalistes sur les écoutes téléphoniques clandestines pratiquées au siège du Parti démocrate. La démission de Nixon (puis le pardon de son successeur Gerald Ford lui évitant toute poursuite judiciaire) fait partie de la culture moderne du journalisme et du culte du « journalisme d’investigation» qui s’est ensuivi aux Etats-Unis, en France et en Europe occidentale.
La référence historique à l’attaque japonaise de Pearl Harbor du 7 décembre 1941 eut aussi pour fonction de « faire l’union sacrée » dans l’opinion publique américaine, tout comme l’hystérie « anticommuniste » de l’après Seconde Guerre mondiale, dans laquelle la presse est tombée, dans un premier temps, en suivant le combat du sénateur républicain Joseph McCarthy jusqu’à son désaveu par le Sénat en 1954.
L’adoption, le 25 octobre 2001, de l’USA Patriot Act par le Sénat et la Chambre des représentants, avec sa définition des plus vagues du mot « terroriste », a conduit à des excès déjà dénoncés en d’autres temps. On ne mesure pas encore les effets durables de cette évolution « post-guerre en Iraq » dans les opinions publiques, elles-mêmes sollicitées quasi en permanence par les médias audiovisuels.
« Choisis la vérité et non pas un camp! » Elle illustre à la fois le principe journalistique de l’« équilibre des points de vue » et la revendication de distanciation par rapport à une optique partisane, voire « patriotique ». La logique de l’information peut dépasser le cadre national au bénéfice d’un regard universel allant au-delà du terrain de la confrontation entre protagonistes. Paul Wolfowitz a reconnu la construction rhétorique de la menace des ADM pour justifier la « guerre préventive» des Etats-Unis en Iraq. Le motif relevait de « raisons bureaucratiques» :

Nous nous sommes entendus sur les armes de destruction massive parce que c’était le seul argument sur lequel tout le monde pouvait être d’accord [...] Il y a néanmoins une autre raison, qui est presque passée inaperçue tout en étant d’importance : éliminer Saddam Hussein permettra aux Etats-Unis de retirer ses troupes d’Arabie saoudite où leur présence a été l’un des principaux griefs d’Al Qaïda 188)

Pourquoi les médias américains ont-ils suivi un processus communicationnel valorisant plutôt une vérité officielle que celle de l’enquête et de la recherche journalistique?

La censure n’existe pas aux Etats-Unis. Mais nous sommes dans un système où les grands groupes de médias ont de puissantes raisons de présenter les nouvelles de la façon qui plaira au pouvoir, et aucune raison de ne pas le faire 189).

Pour Paul Krugman, chroniqueur incisif du New York Times, les mensonges américains dans cette « affaire iraquienne » sont:

Le pire scandale de l’histoire politique des Etats-Unis, pire que le Watergate, pire que l’Irangate 190).

Pourtant, comme nous avons pu le voir à travers cette analyse, le journal le plus influent du monde n’est pas étranger à ce scandale sans précédent. Du 12 Septembre à 2005, nombreux sont les désordres médiatiques auxquels le New York Times a participé de près ou de loin : censurer la vérité au profit d’une vérité plus consensuelle, mettre en scène une information à défaut de la critiquer, préférer la subjectivité d’une personne à l’objectivité d’un reportage agressif, voilà les nombreux « méfaits » des journalistes et de la rédaction du Times, faisant de la guerre en Irak la plus grande opération propagandiste que l’Histoire des Etats-Unis ait connue.
La peur du discrédit est peut-être ce qui conduit le journal américain à reprendre les principes professionnels qui l’a caractérisé aux yeux des médias des pays démocratiques du monde entier. Le fait d’avoir été abusé par des manipulations de l’information ou des actions de propagande ne peut que les réinsérer dans leur fonction modélisante.
Certes, s’il n’y a pas de « mal américain » applicable à tout un peuple, il y a une croyance spécifique inscrite dans sa culture, un principe moral dominant, celui du « bien » et de son corollaire, la « confiance », bref, une « illusion de la bonne conscience ». Et celle-ci se renforce dans une perspective d’évolution modélisée, désignée par l’expression de l’« efficacité américaine» et accentuée par les cultes de la rationalité et de la vérité. Ce « mal américain » se fonde dans une foi trop simpliste en la bonté de l’homme, qui nuit à toute perception de la complexité des êtres et des choses et des problèmes du monde.
Ce qui a encouragé le New York Times à être plus agressif, c’est d’abord le sursaut provoqué par le scandale de la torture dans la prison d'Abou Ghraib et la détérioration de la situation en Irak. La profusion, ensuite, de moyens d'expression autres que les médias traditionnels. Outre le boom des films documentaires, le succès sans précédent récent des livres politiques, à commencer par celui du rapport officiel de la commission sur le 11 septembre, traduit une soif du public pour une autre information ; à la mi-octobre, huit des quinze essais figurant sur la liste des best-sellers du New York Times portaient sur les événements de l'après 11 septembre, un neuvième étant l'autobiographie de Bill Clinton.
Ce fut sûrement par la suite la spirale dans laquelle le journal s’est trouvé, une spirale à scandale, à bidonnages, et à faux journalisme qui a « réveillé » une conscience professionnelle qui avait jusque là disparue.
Ce qui ressort de l’échec du New York Times, est l’incapacité à être objectif. Comment être objectif en temps de guerre? Le fait pour le fait n’ayant pas d’intérêt sans la moindre analyse, la subjectivité du journaliste est plus que nécessaire. Le plus dur est de ne pas tomber dans une propagande calculée par un gouvernement assoiffé par l’extension de son empire et de ses valeurs.


From the very inception of the Gulf crisis, the dominant US media failed to fulfil the role of independent journalism. Instead, it acted as public relations for the state department, assimilating le language, terminology, and the assumptions of the administration, thereby undermining any critical perspectives upon the conduct of the war. (The média’s war, ella shohat, 1991, p135 Duke university press.

D’une guerre à l’autre, les medias Américains n’ont pas réellement tiré de leçons de leurs précédents échecs, et ce qui s’était produit pour la guerre du Golfe, semble être applicable à la nouvelle crise du 21ème siècle.
Le New York Times a commis des erreurs contraires au journalisme que l’on appelle traditionnel, c’est à dire réfléchi et critique, mais sa remise en question, quelle soit insuffisante ou pas, est cependant un signe encourageant que le journalisme peut surmonter ses failles et se réinventer sans cesse.
Et puis, comment ne pas parler de la déferlante Internet et des quelques 200 sites spécialisés dans le journalisme qui servent d'autant de forums de discussion. L’un de ses sites Slate présidé par jack Shafer, a servi de modérateur dans la dérive du Times, rappelant à son « grand frère » ses dérives et ses dérapages fréquents, sans aucune complaisance pour le gouvernement dirigeant.
Cette nouvelle race de "journalistes en pyjama", les bloggers, plus commentateurs qu'informateurs, a eu sa consécration en gagnant cet été son espace réservé dans les tribunes de presse aux conventions démocrate et républicaine. Forme ultime de la démocratisation de l'information sur Internet, qui permet à quiconque de s'improviser rédacteur en chef en créant son site depuis son canapé-lit, les blogs ont un effet d'appel d'air et de poil à gratter.
La "blogosphère" n'échappe pas à la polarisation politique : le quasi-lynchage de Dan Rather, figure historique de CBS News, contraint de s'excuser en septembre lorsque des bloggers de droite ont révélé qu'il avait (involontairement) utilisé un faux document à propos du service militaire de George W. Bush, illustre à la fois une nouvelle dynamique médiatique et la soif de revanche des conservateurs sur les médias traditionnels, considérés comme acquis aux démocrates.
Puis la révélation de la bosse de George Bush lors de la dernière campagne présidentielle, ayant plutôt fait le tour des blogs que le tour des journaux dits plus « sérieux » mais pourtant moins scrupuleux dans leur enquête à ce sujet.
Cependant, rares sont les bloggers qui partent risquer leur vie à Bagdad. Le reportage et l'information restent l'apanage du quatrième pouvoir, sous l'étroite et double surveillance du pouvoir exécutif et d'un cinquième pouvoir émergent.

« Je préférerais mourir plutôt que proférer une inexactitude ».
(George Washington.)

Conclusion 

Le 11 septembre, et la lutte anti-terrorisme qui a suivi, auront sans conteste révélé un potentiel de communication publique jamais égalé, avec les effets d’entraînement et d’amplification des choix éditoriaux des médias américains sur ceux du monde entier.
Si, dans leur ensemble, et le New York Times en tête, ceux-ci ont accepté de se laisser « embarquer » sans trop résister à l’argumentation justificatrice martelée par le Président des Etats-Unis, ils ont progressivement retrouvé leur esprit critique après la fin « officielle » de cette guerre.
Cela, pour une cause majeure: l’effondrement progressif du leitmotiv argumentatif des « armes de destruction massive », et le cadre des manipulations à la source du processus de l’information. Les révélations progressives se sont avérées relever du leurre et du mensonge. Pourtant, face aux doutes et incertitudes, leur utilité première aura été de faire accepter l’intervention militaire non seulement auprès des populations des Etats-Unis, mais du monde entier, par le biais de l’Organisation des Nations Unies, puis sans son intermédiaire.
Pour les observateurs des pratiques médiatiques et journalistiques, la couverture du sujet de la « guerre annoncée », puis de la « guerre effective », par les médias américains dominants, a mis en cause un modèle de journalisme et non des moindres. Il s’agit bien de celui à partir duquel, du côté européen de l’Atlantique, se sont construits les critères de la presse moderne et du « journalisme professionnel » dès le XIXe siècle.
Et pour cause, il s’agissait de prendre acte de la manière dont les Etats- Unis, pays démocratique de référence, ont mis en oeuvre la liberté de la presse depuis la proclamation de sa Constitution en 1787 et son premier amendement de 1791 stipulant que « le Congrès ne fera pas de loi [...] restreignant la liberté de parole ou de presse ». 185)
Nous savons très bien que, ni d’un côté ou de l’autre de l’océan, la presse des pays démocratiques a été parfaite en toute circonstance et qu’elle a aussi failli à sa mission dans bien des cas, y compris dans la période moderne précédent la présente « crise » autour de « la guerre en Iraq ».
Souvenons nous, exemples parmi beaucoup d’autres, du « faux charnier de Timisoara » de décembre 1989, le mensonge de l’Etat français à propos de l’attentat destructeur du navire de Greenpeace, le Rainbow Warrior en 1985, la publication en 1983 des « faux carnets d’Hitler » par le Stern de Hambourg et repris mondialement par des news magazines, ou, encore plus loin de nous, le fameux « faux bordereau » qui a conduit à la condamnation du capitaine Alfred Dreyfus en 1894 et à l’affaire politique et judiciaire qui a suivi pendant dix ans avec un déferlement de haine jamais égalé depuis dans la presse française.
Les Etats-Unis n’ont pas été en reste non plus. Ne serait-ce qu’avec l’attaque du cuirassé américain le Maine, coulé par une mine dans la rade de La Havane en 1898, à l’origine de la guerre contre l’Espagne 186) le prétexte avait obtenu le soutien de Joseph Pulitzer et de William Randolph Hearst, patrons respectifs du New York World et du New York Journal, titres populaires en guerre ouverte, ou encore avec la « fausse attaque » par des torpilles nord-vietnamiennes de deux destroyers américains dans la baie du Tonkin en 1964, argument utilisé par le président Lyndon B. Johnson pour déployer les renforts terrestres au Vietnam, etc… 187)
Les cas de« faux », qui trouvent particulièrement leur place dans les situations de crises ou de conflits internationaux majeurs, n’ont guère joué leur fonction de mémoire et de prévention face aux « vérités toutes faites ». Le Washington Post, il semblerait, a oublié tout ce qu’il doit en notoriété en matière de professionnalisme à l’« affaire du Watergate » et aux dénégations du président Richard Nixon, de son entourage et du Parti républicain, face à l’enquête menée par deux de ses journalistes sur les écoutes téléphoniques clandestines pratiquées au siège du Parti démocrate. La démission de Nixon (puis le pardon de son successeur Gerald Ford lui évitant toute poursuite judiciaire) fait partie de la culture moderne du journalisme et du culte du « journalisme d’investigation» qui s’est ensuivi aux Etats-Unis, en France et en Europe occidentale.
La référence historique à l’attaque japonaise de Pearl Harbor du 7 décembre 1941 eut aussi pour fonction de « faire l’union sacrée » dans l’opinion publique américaine, tout comme l’hystérie « anticommuniste » de l’après Seconde Guerre mondiale, dans laquelle la presse est tombée, dans un premier temps, en suivant le combat du sénateur républicain Joseph McCarthy jusqu’à son désaveu par le Sénat en 1954.
L’adoption, le 25 octobre 2001, de l’USA Patriot Act par le Sénat et la Chambre des représentants, avec sa définition des plus vagues du mot « terroriste », a conduit à des excès déjà dénoncés en d’autres temps. On ne mesure pas encore les effets durables de cette évolution « post-guerre en Iraq » dans les opinions publiques, elles-mêmes sollicitées quasi en permanence par les médias audiovisuels.
« Choisis la vérité et non pas un camp! » Elle illustre à la fois le principe journalistique de l’« équilibre des points de vue » et la revendication de distanciation par rapport à une optique partisane, voire « patriotique ». La logique de l’information peut dépasser le cadre national au bénéfice d’un regard universel allant au-delà du terrain de la confrontation entre protagonistes. Paul Wolfowitz a reconnu la construction rhétorique de la menace des ADM pour justifier la « guerre préventive» des Etats-Unis en Iraq. Le motif relevait de « raisons bureaucratiques» :

Nous nous sommes entendus sur les armes de destruction massive parce que c’était le seul argument sur lequel tout le monde pouvait être d’accord [...] Il y a néanmoins une autre raison, qui est presque passée inaperçue tout en étant d’importance : éliminer Saddam Hussein permettra aux Etats-Unis de retirer ses troupes d’Arabie saoudite où leur présence a été l’un des principaux griefs d’Al Qaïda 188)

Pourquoi les médias américains ont-ils suivi un processus communicationnel valorisant plutôt une vérité officielle que celle de l’enquête et de la recherche journalistique?

La censure n’existe pas aux Etats-Unis. Mais nous sommes dans un système où les grands groupes de médias ont de puissantes raisons de présenter les nouvelles de la façon qui plaira au pouvoir, et aucune raison de ne pas le faire 189).

Pour Paul Krugman, chroniqueur incisif du New York Times, les mensonges américains dans cette « affaire iraquienne » sont:

Le pire scandale de l’histoire politique des Etats-Unis, pire que le Watergate, pire que l’Irangate 190).

Pourtant, comme nous avons pu le voir à travers cette analyse, le journal le plus influent du monde n’est pas étranger à ce scandale sans précédent. Du 12 Septembre à 2005, nombreux sont les désordres médiatiques auxquels le New York Times a participé de près ou de loin : censurer la vérité au profit d’une vérité plus consensuelle, mettre en scène une information à défaut de la critiquer, préférer la subjectivité d’une personne à l’objectivité d’un reportage agressif, voilà les nombreux « méfaits » des journalistes et de la rédaction du Times, faisant de la guerre en Irak la plus grande opération propagandiste que l’Histoire des Etats-Unis ait connue.
La peur du discrédit est peut-être ce qui conduit le journal américain à reprendre les principes professionnels qui l’a caractérisé aux yeux des médias des pays démocratiques du monde entier. Le fait d’avoir été abusé par des manipulations de l’information ou des actions de propagande ne peut que les réinsérer dans leur fonction modélisante.
Certes, s’il n’y a pas de « mal américain » applicable à tout un peuple, il y a une croyance spécifique inscrite dans sa culture, un principe moral dominant, celui du « bien » et de son corollaire, la « confiance », bref, une « illusion de la bonne conscience ». Et celle-ci se renforce dans une perspective d’évolution modélisée, désignée par l’expression de l’« efficacité américaine» et accentuée par les cultes de la rationalité et de la vérité. Ce « mal américain » se fonde dans une foi trop simpliste en la bonté de l’homme, qui nuit à toute perception de la complexité des êtres et des choses et des problèmes du monde.
Ce qui a encouragé le New York Times à être plus agressif, c’est d’abord le sursaut provoqué par le scandale de la torture dans la prison d'Abou Ghraib et la détérioration de la situation en Irak. La profusion, ensuite, de moyens d'expression autres que les médias traditionnels. Outre le boom des films documentaires, le succès sans précédent récent des livres politiques, à commencer par celui du rapport officiel de la commission sur le 11 septembre, traduit une soif du public pour une autre information ; à la mi-octobre, huit des quinze essais figurant sur la liste des best-sellers du New York Times portaient sur les événements de l'après 11 septembre, un neuvième étant l'autobiographie de Bill Clinton.
Ce fut sûrement par la suite la spirale dans laquelle le journal s’est trouvé, une spirale à scandale, à bidonnages, et à faux journalisme qui a « réveillé » une conscience professionnelle qui avait jusque là disparue.
Ce qui ressort de l’échec du New York Times, est l’incapacité à être objectif. Comment être objectif en temps de guerre? Le fait pour le fait n’ayant pas d’intérêt sans la moindre analyse, la subjectivité du journaliste est plus que nécessaire. Le plus dur est de ne pas tomber dans une propagande calculée par un gouvernement assoiffé par l’extension de son empire et de ses valeurs.


From the very inception of the Gulf crisis, the dominant US media failed to fulfil the role of independent journalism. Instead, it acted as public relations for the state department, assimilating le language, terminology, and the assumptions of the administration, thereby undermining any critical perspectives upon the conduct of the war. (The média’s war, ella shohat, 1991, p135 Duke university press.

D’une guerre à l’autre, les medias Américains n’ont pas réellement tiré de leçons de leurs précédents échecs, et ce qui s’était produit pour la guerre du Golfe, semble être applicable à la nouvelle crise du 21ème siècle.
Le New York Times a commis des erreurs contraires au journalisme que l’on appelle traditionnel, c’est à dire réfléchi et critique, mais sa remise en question, quelle soit insuffisante ou pas, est cependant un signe encourageant que le journalisme peut surmonter ses failles et se réinventer sans cesse.
Et puis, comment ne pas parler de la déferlante Internet et des quelques 200 sites spécialisés dans le journalisme qui servent d'autant de forums de discussion. L’un de ses sites Slate présidé par jack Shafer, a servi de modérateur dans la dérive du Times, rappelant à son « grand frère » ses dérives et ses dérapages fréquents, sans aucune complaisance pour le gouvernement dirigeant.
Cette nouvelle race de "journalistes en pyjama", les bloggers, plus commentateurs qu'informateurs, a eu sa consécration en gagnant cet été son espace réservé dans les tribunes de presse aux conventions démocrate et républicaine. Forme ultime de la démocratisation de l'information sur Internet, qui permet à quiconque de s'improviser rédacteur en chef en créant son site depuis son canapé-lit, les blogs ont un effet d'appel d'air et de poil à gratter.
La "blogosphère" n'échappe pas à la polarisation politique : le quasi-lynchage de Dan Rather, figure historique de CBS News, contraint de s'excuser en septembre lorsque des bloggers de droite ont révélé qu'il avait (involontairement) utilisé un faux document à propos du service militaire de George W. Bush, illustre à la fois une nouvelle dynamique médiatique et la soif de revanche des conservateurs sur les médias traditionnels, considérés comme acquis aux démocrates.
Puis la révélation de la bosse de George Bush lors de la dernière campagne présidentielle, ayant plutôt fait le tour des blogs que le tour des journaux dits plus « sérieux » mais pourtant moins scrupuleux dans leur enquête à ce sujet.
Cependant, rares sont les bloggers qui partent risquer leur vie à Bagdad. Le reportage et l'information restent l'apanage du quatrième pouvoir, sous l'étroite et double surveillance du pouvoir exécutif et d'un cinquième pouvoir émergent.

« Je préférerais mourir plutôt que proférer une inexactitude ».
(George Washington.)

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