La crise de crédibilité de la presse américaine a été marquée par l’épisode Jayson Blair, jeune journaliste vedette du New York Times, falsificateur de faits, plagiaire d’articles copiés sur Internet et inventeur de dizaines d’histoires.
Le samedi 26 Avril 2003, le New York Times publie un article du journaliste vedette, consacré à Juanita Anguiano et son fils, Edward, qui était à l’époque le seul soldat américain déclaré disparu par les forces militaires américaines. Il y évoque sa souffrance, et sa fierté de mère de soldat.
Juanita Anguianio montre
fièrement le ventilateur au plafond, une lampe pour la fête des
mères, et tous les autres cadeaux de son seul fils, Edward, 24 ans,
mécanicien de l’armée. Mme Anguiano et ses filles disent qu’elles
ne savent pas quoi ressentir ou comment ressentir. Elles sautent et
ont des noeds dans l’estomac dès que le téléphone sonne, dès
que quelqu’un frappe à la porte. Isolées, autant par leur
situation unique, que par leur location géographique ici au sud du
Texas, les Anguiano décrivent leur situation comme un douloureux
purgatoire. 89)
Plusieurs personnes cependant remarquent des similitudes entre cet
article et un autre récit écrit par Macarena Hernandez et publié
peu avant par le San Antonio Express-News. Macarena Hernandez
elle-même, qui avait effectué le même programme que Blair au
Times, ainsi que son rédacteur Robert Rivard, et Manuel
Roig-Franzia du Washington Post, constatent ces ressemblances
troublantes.
Blair
appelle Hernandez et lui affirme qu’il n’a pas eu connaissance de
son article avant d’écrire le sien, et qu’étant donné que Mme
Anguiano avait eu recours à sa fille pour traduire ses propos, cette
dernière avait certainement dû donner les même réponses aux deux
journalistes. Grave erreur de Jayson Blair, qui sans le savoir, avoue
son plagiat. Mme Anguiano n’a jamais utilisé sa fille pour
traduire ses propos, car Mme Anguiano parle couramment anglais, et
Jayson Blair aurait dû le savoir s’il s’était rendu sur place.
Moins d’une semaine plus tard, Jayson Blair démissionne, laissant derrière lui de nombreuses histoires inventées de toutes pièces et publiées au New York Times. Le journal, considéré comme une référence par les professionnels du monde entier, a vécu à cette occasion un véritable séisme : les deux patrons de la rédaction, Howell Raines, qui avait soutenu Blair contre plusieurs journalistes qui l’avaient averti de ses « bidonnages », et Gerald Boyd, ont été contraints à la démission, et un poste de médiateur a été pour la première fois créé, confié à Daniel Okrent, un essayiste et ancien rédacteur en chef du magazine Time 90).
Dès le lendemain de la démission du fraudeur, le New York Times reconnaît son erreur et la plupart des articles publiés par Blair sont aussitôt modifiés on-line sur le site web du journal, les erreurs du « journaliste » étant clairement soulignées.
Jayson Blair, reporter pour le
New York Times,
a démissioné hier après que le journal a commencé une révision
de son article concernant la famille d’un soldat américain en irak
manquant à l’appel et depuis déclaré mort. Le Times
regrette cette brèche dans les standards journalistiques et prévoit
une excuse à la famille du soldat ainsi qu’une révision des
autres travaux de Mr Blair. 91)
Le New York Times publie, toujours le 2 mai, un article autocritique rédigé par Jacques Steinberg. Le journal y présente ses excuses pour l’article plagié consacré aux Anguiano.
We continue
to examine the circumstances of Mr. Blair's reporting about the Texas
family. In also reviewing other journalistic work he has done for The
Times,
we will do what is necessary to be sure the record is kept straight."
The Times'
statement did not specify the questions that it had about Mr. Blair's
reporting. But Specialist Anguiano's mother, Juanita, said in a
telephone interview yesterday that she did not recall Mr. Blair
having visited her home in Los Fresnos, Tex., although his article
carried the dateline Los Fresnos and included several references to
Ms. Anguiano's furniture, jewelry and gestures. 92)
Ce que le journal ignore encore, c’est que
les falsifications concernent en fait des dizaines de ses reportages
publiés depuis deux ans selon une enquête publiée 10 jours plus
tard par le journal en pleine tourmente médiatique. Cet
article dénonce les plagiats de son ex-journaliste:
Une
investigation des journalistes du Times
a découvert qu’un journaliste de l’équipe du NYT
a commis des actes fréquents de fraude journalistique lors de la
couverture d’événements importants de ces derniers mois. La
diffusion de plagiat représente une trahison profonde de la
confiance dans les 152 ans du journal. Et il a utilisé ces
techniques pour écrire des mensonges sur des moments pleins
d’émotions, de l’attaque mortelle de snipers à Washington, à
l’angoisse des familles pleurant leurs proches morts en Irak. Dans
leur recherche concentrée sur la correction des reportages et
l’explication d’une telle fraude au sein du Times,
les journalistes du NYT
ont trouvés de nouvelles erreurs dans au moins 36 articles sur les
73 articles écrits par Blair depuis sa promotion au reportage
national depuis Octobre dernier.
Dans les
derniers mois, l’effronterie des deceptions n’a cessé de
croître, suggérant que le travail a été effectué par un jeune
homme desorienté se condamnant à sa propre destruction
professionnelle. 93)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire